Je ne suis pas forte
Je suis dure
tu confonds
ce n’est pas du tout pareil
tu vois
moi je suis faite de brisures
de cassures
de fêlures
je suis ébréchée
écornée
entaillée
parfois ça éclate en mille voix
je les sens dégringoler
se répandre à mes pieds
comme des étoiles
dans leur dernier scintillement
poudreuses et argentées
parfois aussi
j’essaie de les ramasser
ces petites fractions
qui feraient de moi
celle que je ne suis pas
je me penche et les ramène en mon sein
quelque part au niveau du thorax
je les tiens en mon poing serré
ne pas éparpiller
ne pas laisser filer
je les love dans ma poitrine
comme si de rien n’était
l’instant d’après
je calfeutre la plaie
par un sourire ourlé de perles
bientôt givrées
sur mes lèvres et dans mes yeux
ma manie ontologique
des fractures non consolidées
foncièrement insatisfaisante
et toujours manquée
parce que jamais tu ne me regardes
là où je te vois
.
.
Quand, dans l’amour, je demande un regard, ce qu’il y a de foncièrement
insatisfaisant et de toujours manqué, c’est que jamais tu ne me regardes là
où je te vois. Inversement, ce que je regarde n’est jamais ce que je veux
voir. Lacan
Cette sorte de mise en abîme de l’écriture avec en contrepoids, une montée en puissance des émotions me plait beaucoup !
Avec des mots savamment posés, les émotions se mettent en place lentement, sans se bousculer.
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