Tu n’as pas la place pour moi
seulement pour l’idée de moi
dans nos vies organisées millimétrées
luni-solaires et calendaires
la moi faite de sang et de chair
est rangée dans sa boîte de taffetas
pékin satin et organza
ballerine en crinoline
pâle et muette en serinette
habillée des pensées de cabaret
auditorium et music-hall
jupon arceau baleine
elle ne s’anime qu’à son réveil
dans un réflexe d’automate
suites nocturnes limonaires
pour la ravir à la poussière
sur un finale de sonate
sur une presque-symphonie
elle joue sa vie
finement réglée en parodie
auréolée de micro-succès
avant le retour du sortilège
tombé en voile sur son manège
son sarcophage rose poudré
Mais moi tu vois
je suis la vie
mes 5 ans échevelés à jamais
sur les portraits débraillée
socquettes tire-bouchonnées
trop vive pour contenir
dans un seul polaroïd
je suis l’air exhalé de tes poumons
je suis ta pulsation
je suis l’autan s’amplifiant
sur les vallées et les sommets
je suis la faim
je suis la soif
tu es ma source et mon canal
je suis geyser au Turkana
l’incontenable
et la hors-cadre
je suis le rouge incarnat
dont le rubis te teinte les doigts
celui des départs d’incendie
abolition des chronologies
je suis celle qui immole l’été
dans un ultime brasier
les saisons n’ont pas toutes la même peau
c’est absolument faux
je suis la tempête
sur les falaises et sur les crêtes
dust devil sur HPA
villages rasés sur Fujita
je suis fumée et je suis cendres
je suis coulée, je suis volcan
je suis Tara sous le couchant
Et je pleure des romans
qui racontent les oiseaux absents
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